Au cours de mes pérégrinations, il m’est arrivé parfois d’assister à un phénomène qui apparaît dans le ciel, à l’exact point opposé à l’Orient, aux premières lueurs de l’aube. C’est l’alpenglow. Voici la définition que nous propose Wikipédia : « L’Alpenglow est un phénomène optique qui se présente sous la forme d'une lueur rougeâtre horizontale, près de l'horizon opposé du soleil lorsque le disque solaire est juste en dessous de l'horizon. » A chaque fois que ce météore se manifeste, je suis ému et je l’adore en silence. Donc, j’avais récemment pour projet de revivre cet instant de joie. Accoutumé à élever mes yeux et mon cœur vers le ciel, je m’installais, une fin de nuit de janvier, sur les rives de l’étang de Canet-en-Roussilon, dans l’attente de ce spectacle tant espéré, à la gloire d’Ostara, déesse de l’aube et de l’aurore. Pour cela, il fallait attendre patiemment, dans la brise légère qu'apportait le soupir des roseaux et les fragrances lacustres de la nuit. Sous le ciel nocturne, j'arrêtais mes pas en ce lieu insolite : Devant moi, le miroir d'eau de la nuit, sur lequel posées comme ça, les étoiles, telles des lucioles tremblotantes, s'éteignirent une à une. Là-bas, à l'Occident, ma pensée erra vers l'horizon surmonté d'un mirage un peu flou, comme dans un rêve, un vieux rêve bien délicat, enroulé dans son cours, dans la toute première lueur de l'aurore, El Canigo m'apparut dans une clarté voilée, qui s'oublie dans les voix du silence..C'est aux lointains murmures des vagues de la Méditerranée, qu'un jour nouveau s'annonçait. Le Roussillon tournait à l'Orient sa plaine endormie et sa géométrie de paysages dessinée par les hommes. Le massif du Madres et l'ondulation des Corbières se devinaient , sous un manteau de nuit bleue, qui dans sa fugue, laissait quelques lambeaux de brumes épars, comme autant de capuchons de mystères se lovant dans les courbes des collines. Seuls, dans la roselière,bruissait l'enlacement des ombres, et une douce marée de lumière, que rien ne pouvait arrêter.Ainsi la lumière fut et les dernières ombres de la nuit s'ensevelirent à mes pieds...L’Orient s’embrasait, et bientôt, le soleil, braise incandescente éclairait de ses premiers rayons la montagne des catalans. Elle était à sa place habituelle et s’érigeait à l’horizon. C’est comme ça, depuis que la lumière éclaire le monde, suivant l’ordre des choses. Là est désormais son habitation de gloire. Le Gregal, la tramontane et El Torbe, ce vent de la mort, sur les crêtes, ont mêlé de leur souffle les neiges qui se déposent sur le toit de la Catalogne. Instants de fascination, espaces infinis où le temps s’est suspendu devant moi, où un miroir d’eau reflète l’envers du ciel et un sommet, surmonté des ailes douces des anges, qu’empourpre une lumière éphémère . Les scientifiques ont mis un nom sur cette grâce qui nous couvre de frisons heureux. Elle s’appelle l’alpenglow... Rien d'autre ne m'a offert autant d'ivresse et de griserie, jamais la seule pensée de rompre la belle alliance avec la lumière, cette maîtresse exclusive, ne m'a traversé l'esprit. j'épie le passage de l'ombre furtive que le jour et le vent emportent dans la magique course des nuages fleuris d'une lumière ,qui naît, à l'horizon, là où s’enfuit la nuit vers l'occident, là où la terre et le ciel se rejoignent, avec pour unique trait d'union : El Canigo. Texte et images protégées. (C) Philippe Dubedat.
C’est à cet instant éphémère, à la naissance d’une lumière sans ombres, qu’il me plaît à capter les tremblements du suaire de la nuit qui se retire devant une nouvelle aurore. A l’horizon Sud, El Canigo apparaît dans une vision de rêve, tel un mirage éphémère qui se fixe sur notre rétine le temps d’un soupir...Les images ont été réalisées en pose longue, afin de capter à intervalles de quelques minutes, les variation graduelles des couleurs, de l’aube à l’aurore.